Entrevue
Comment voyez-vous l’avenir dans le secteur des produits de grande consommation?
Casper Rasmussen : Jusqu’ici, les consommateurs achetaient des produits de consommation comme ceux de Heinz, Tide ou Snickers par l’intermédiaire de points de vente courants, physiques ou numériques. Les marques de produits de grande consommation n’ont pas de liens forts et directs avec leurs clients. Un intermédiaire s’interpose effectivement toujours entre les marques et la clientèle avec qui elles aimeraient tisser des liens. Mais durant la pandémie de la Covid-19 en particulier, de nombreuses entreprises du secteur de la grande consommation ont déployé ou accentué de nouvelles stratégies de vente directe afin de pouvoir interagir et agir directement auprès de leurs clientèles, sans compromettre les éléments de différenciation, de marque ou de connaissance du client que les intermédiaires et les canaux de vente traditionnels criblent souvent.
En quoi le commerce composable entre-t-il en jeu?
Comparons le commerce composable à des blocs LEGO : chaque bloc représente une capacité numérique essentielle à l’univers numérique d’une entreprise, celle-ci pouvant agencer et reconfigurer les blocs de différentes façons. Autrement dit, l’entreprise peut choisir les blocs voulus pour bâtir exactement la solution numérique adaptée à tel canal ou à tel objectif.
Jusqu’ici, les entreprises de produits de grande consommation faisaient piètre figure dans la vente directe au consommateur. Or le commerce composable leur permet maintenant de s’adapter à tous les changements de comportements de leurs clients et d’interagir avec eux de nouvelles façons porteuses de valeur de part et d’autre. Le secteur des produits de grande consommation se transforme, se polarisant de plus en plus sur le consommateur et l’approche numérique native.

Dans leur exécution de stratégies de vente directe et leur quête d’interactions pertinentes et de qualité avec les clients, les marques de produits de grande consommation réalisent la nécessité d’être prêtes à s’adapter vite aux changements pour suivre les comportements et les préférences changeants de leur clientèle. Et nous ne sommes pas dans une perspective trimestrielle ou annuelle : il s’agit d’une adaptation constante et quotidienne aux nouvelles générations, à la pléthore de plateformes et à la concurrence numérique native, qui prend de l’ampleur. Grâce au commerce composable, on peut se lancer sur le marché plus vite et être nettement plus pertinent, souple et réactif dans la façon de faire des affaires numériquement.
Les marques de produits de grande consommation seront-elles confinées aux stratégies de marketing que le commerce composable rend possible?
Grâce au commerce composable, les entreprises peuvent orchestrer différentes stratégies numériques simultanément, certaines par leurs propres canaux, d’autres via des tiers (partenaires, places du marché, etc.). Tous ces points de contact numériques sont 100 % intégrés et orchestrés, et rendus possibles par un noyau numérique que l’entreprise protège, développe et renforce en phase avec ses autres actifs comme la logistique, ses talents, ses brevets, etc. Quant aux autres stratégies, qui reposent typiquement sur une infrastructure technologique individuelle greffée à des canaux individuels, elles sont synonymes de compromis sur la cohésion, la souplesse et l’agilité.
En quoi le commerce composable aidera-t-il les marques de produits de grande consommation au chapitre, maintenant crucial, de la différenciation?
La différenciation de l’expérience client est un maillon fort de la stratégie de vente directe au consommateur qui sied particulièrement bien au secteur de la grande consommation, car la concurrence est féroce et les possibilités de différenciation de produits sont très petites dans les diverses catégories de produits qui se côtoient au supermarché.
Il faut donc une différenciation de la marque avant que le consommateur choisisse un produit plutôt qu’un autre. Les stratégies de différenciation touchant la fidélisation, la commodité et/ou les expériences clients numériques sont donc nécessaires. Le lancement de Karoline’s Kitchen par Arla, dans les années 1970, était une stratégie de différenciation qui n’avait rien à voir avec les qualités physiques du produit. Ce fut une stratégie incroyablement judicieuse à l’époque! Quand une recette digne de ce nom nécessite une crème Arla, on est porté à choisir cette crème, malgré les autres choix. Voilà comment l’être humain fonctionne.
Les données sont un autre maillon important dans l’exécution d’une stratégie fructueuse de vente directe au consommateur. D’une fine orchestration des données, les entreprises peuvent tirer des enseignements utiles sur leur relation avec leurs clients et, en définitive, renforcer autant leur produit que cette relation.
Les marques de produits de grande consommation n’exécutent pas nécessairement des stratégies de vente directe que pour stimuler les ventes. Elles le font tout autant pour mieux comprendre leur clientèle et le marché, et ainsi pour améliorer leur offre de produits. Les données sont importantes pour comprendre les tendances du marché et, ultimement, le rôle que joue le produit dans la vie du consommateur. Ancrer des capacités numériques dans le noyau de l’entreprise grâce au commerce composable limite le « bruit » et les conflits de données qui émanent souvent de la multiplication des solutions spécifiques à des canaux. Les marques de produits de grande consommation ayant la bonne stratégie numérique se donnent ainsi de l’information limpide sur les comportements et les préférences de leurs clients, ce qui se traduira ultimement par une relation directe raffermie, mais aussi par une meilleure différenciation des produits et une optimisation dans les canaux plus traditionnels.